L'homme courait maintenant depuis plus de trois heures. Il voyait défiler devant lui les arbres de la sombre forêt du Bois Mort sans pour autant en voir la fin. Tous les muscles de ses jambes lui faisaient souffrir le martyr et une douleur sourde oppressait sa poitrine.
Les cris et les vociférations avaient cessé de se faire entendre depuis longtemps mais il n'avait pas pris le temps de vérifier si ses poursuivants étaient toujours à ses trousses.
Son pied se prit soudain dans une racine et il tomba lourdement au sol. Incapable de se relever il se tourna sur le dos et tenta de reprendre son souffle.
Quelques heures plus tôt il faisait encore partie d'une grande et fière armée. Le comte-électeur Tanfert avait réussi à convaincre les hommes que l'ennemi n'aurait aucune chance : trop barbare, trop stupide face à la grandeur et à la discipline de l'Empire. Et tous étaient partis pour cette drole de guerre avec le sentiment qu'elle serait rapide et facile.
Au travers des feuillages l'homme aperçut un coin de ciel bleu, il reprenait lentement des forces et ses pensées étaient un peu plus claires.
Jamais il n'avait vu d'orque ou même de gobelin de sa vie et il avait cru les belles paroles des recruteurs et de Tanfert, il s'était engagé et il était parti au combat. L'homme étouffa un rire nerveux.
Un combat? Ce fut plutôt un massacre, une tuerie sans nom!
Les peaux-vertes étaient innombrables, chaque orque abattu par les arquebusiers ou les arbalétriers était remplacé par trois autres guerriers, les boulets de canon fauchaient leurs rangs serrés mais ils ne provoquaient que leurs rires.
L'homme avait vu la horde s'abattre de plein fouet sur les lignes impériales. La furie des guerriers orques l'avaient rapidement emporté sur la folle certitude des hallebardiers. Les hommes disparaissaient sous des dizaines de gobelins hurlants, reculaient devant la folie bestiale des trolls ou mourraient écrasés sous les coups des géants. En moins de deux heures la fière armée impériale avait été mise en déroute, les fuyards s'étaient éparpillés entre les marais de la Larme Noire et la forêt du Bois Mort. Des chevaucheurs de loups gobelins s'étaient immédiatement lancés à leur poursuite et nombreux furent ceux à tomber sous les crocs des cruelles bêtes.
Des grognements éclatèrent soudain tout autour de l'homme, il s'était arrêté trop longtemps et perdu dans ses pensées il n'avait pas entendu les peaux-vertes l'encercler. Il saisit une branche morte d'une main et se leva pour faire face à ses poursuivants.
Il n'y eut personne dans la forêt pour entendre ses hurlements lorsque la horde se referma sur lui.